TSF n°14 – D’UN BOUT A L’AUTRE

Pour faire court sur les bouts

Objectif : connaitre et choisir ses cordages

A-Historique

  1. De tous temps, on a recueilli dans la nature des fibres végétales que l’on a coupé, roui (fait tremper), teillé (battu), séché, cardé, peigné, filé pour en faire des cordes. Suivant les continents, on a utilisé le coco, le sisal, le coton, le jute, le rafia, le manille, le lin, … Par chez nous, c’était plutôt le chanvre (cf le travail des cordiers à Pont-Rousseau dans « Les amis de Rezé n° 52).
  2. Dans les années 1930, apparaissent les premières fibres synthétiques : à partir de molécules issues du charbon ou du pétrole, on réussit à créer des chaînes (polymères). Ces fibres, inventées par les chimistes, sont ensuite commercialisées par de grandes firmes (Dupont de Nemours, Rhône Poulenc, …) sous des noms déposés ( Perlon, Dacron, …). Pour la petite histoire, le Tergal (polyester gallicus) est le « Dacron français » : cocorico !
  3. A la fin du XXème siècle, apparaissent les fibres « de nouvelle génération » (Kevlar, Vectran, …) beaucoup plus performantes, mais pour la plupart issues de ces premières fibres. A la fois plus résistantes, plus légère et plus faciles à mettre en œuvre que l’acier, elles en arrivent même aujourd’hui à supplanter ce métal à bord de nos bateaux (haubans, manilles, …)

B- Elaboration des cordages

  1. Traditionnellement, à partir de duites, fils simples, on constitue le fil de caret (faisceau de duites). Ces fils de caret sont assemblés en torons qui, commis entre eux par 3 ou 5 en général, formeront le cordage. Visite intéressante de la Corderie Royale de Rochefort à ce sujet !
  2. Au XXème siècle, les progrès de l’industrie ont considérablement modifié la donne :
    • Les cordages peuvent désormais être tressés, ce qui leur confère de nouveaux avantages.
    • Pour assurer confort et protection, une (parfois double !) gaine recouvre l’âme centrale
    • L’âme assure, elle, la résistance et l’élasticité (ou non) du cordage.
    • Différentes fibres, aux qualités complémentaires, sont souvent utilisées dans un même cordage.
    • Des traitements chimiques viennent encore protéger les fibres.
    • Ames et gaines peuvent même être utilisées (et vendues) indépendamment les unes des autres !

Il découle de tout cela qu’une infinité de bouts sont présents sur le marché,… Et qu’il n’est donc pas toujours facile de s’y retrouver !

C- Nomenclature des fibres synthétiques

CNSL, mars 2010.

  1ères fibres synthétiques Fibres synthétiques « de nouvelle génération »
Matériau Polyéthylène (basse densité) Polyamide Polyester Polypropylène Aramide (polyamide aromatique) PBO (para-phénylène bensobisoxasole) Polyéthylène haut module Ppolyester aromatique
Noms Commerciaux
+ Dates d’invention
1933 Nylon (1935) Dacron (1950)
Mylar (1952)
Tergal (1954)
1951 Nomex (1960)
Kevlar (1965)
Twaron (1978)
Technora (1987)
Zylon (1980) Spectra (1985)
Dyneema (1990)
Vectran (1990)
Résistance en DAN pour du 8 mm < 1000 1000 – 1500 1000 – 1700 700 – 1000 2000 – 3000 6000 3600 – 3900 2400
Allongement force maxi 12% 20% 15% 15% 5% 2,5% 3,5% 3%
Densité 0,95 1,12 1,38 0,91 1,44 1,56 0,97 1,40
Point de fusion 80° 220° 260° 120° Se dégrade à 500° Se dégrade à 650° 147° 330°
Résistance abrasion Bonne Très bonne Bonne Bonne Bonne Très bonne Très bonne Très bonne
Résistance aux UV Bonne Bonne Très bonne Bonne Faible Faible Très bonne Faible
Résistance aux solvants Bonne Très bonne Bonne Bonne Très bonne Bonne Très bonne Très bonne

Cordages

D- Critères de choix d’un cordage

(se reporter en parallèle au tableau ci-dessus)

  1. la résistance : elle dépend du matériau, mais aussi du diamètre. Sur de petits bateaux, les efforts étant relativement peu importants, un diamètre de 8 mm (qui permet une charge de travail d’au moins 500kg) paraît suffisant pour la plupart des usages. La charge de rupture est généralement donnée en DaN (1 Kg = 0,98 DaN). Les constructeurs stipulent quand-même que la charge de travail doit se situer au maximum à 30 % de la charge de rupture.
  2. le confort : par contre, un cordage fin peut parfois s’avérer très inconfortable, comme pour border une écoute lorsqu’il y a du vent, ou remonter plusieurs mètres de mouillage ! Un diamètre supérieur pour une meilleure prise en main s’impose dans ce genre de cas …
  3. le gainage : la gaine, partie extérieure du cordage, est un critère de choix important. Outre la couleur, elle conditionne la souplesse, la résistance aux UV, le confort de la prise en main et la facilité à épisser le cordage. Généralement tressée en 16 ou 24 fuseaux, elle peut aussi être plus ou moins dure (« torsion élevée » ou non). Il existe par ailleurs un gainage « toucher coton » (dû à l’utilisation de fibres plus courtes) plus agréable sur certains bouts
  4. le type : tressé ou toronné ? Outre l’aspect esthétique, le choix se fera sur le fait qu’un bout tressé ne fait pas de coques, qu’il se love facilement (il ne « tourne » pas : le tressage l’en empêche). Il résiste mieux à l’abrasion et tient aussi mieux dans les bloqueurs.
  5. l’élasticité : certains usages nécessitent des cordages « statiques » (très peu d’allongement), d’autres des cordages « dynamiques » (plus d’allongement). Toutes les manœuvres des voiles (drisses, écoutes, palans divers) qui requièrent précision seront, de préférence, plus raides (ce qui ne veut pas dire qu’elles ne seront pas souples …). Les manœuvres liées à l’amarrage (amarres, ligne de mouillage, bout de remorque) et aux appendices (dérive, safran) se devront d’être plus « élastiques » afin de mieux encaisser les rappels parfois violents. L’allongement varie, selon les matériaux, d’environ 2% pour le PBO à 20 % pour le nylon !
  6. la densité : le poids lui-même, on s’en tape (on n’est pas aux jeux olympiques …), par contre la flottabilité, on y fera plus attention, et en particulier pour le mouillage. Il est extrêmement désagréable (par exemple …) de voir un bateau « embarquer » notre mouillage (et nous avec …) en passant devant nous parce que notre ligne flottait en surface, de surcroît si c’est un bateau « à hélice » !
  7. la résistance aux UV : certains matériaux résistent mieux aux UV (et aussi aux solvants), c’est bon à savoir !
  8. la fusion : On a l’habitude de brûler l’extrémité de certains bouts pour éviter qu’ils ne se détoronnent : pour certains matériaux (aramides et PBO), n’insistez pas, ils se coupent, mais ne brûlent pas !

En fonction de tous ces critères, les shipchandlers proposent de nombreuses gammes de cordages qu’ils déclinent en usages (drisses, écoutes, aussières, …) et plages d’utilisation (dériveur, croisière, régate). Les principaux fabricants sont Cousin, Lancelin, Liros. N’hésitez pas à consulter leurs catalogues : une gamme « vieux gréements » ( polyester et polypropylène en couleur chanvre …) est aussi disponible !

E- Conclusion

  1. En ce qui nous concerne, petits bateaux « voiles-avirons », et malgré la complexité de l’offre, on peut quand-même facilement circonscrire notre choix, sachant que le problème de la résistance ne nous concerne que très peu (en théorie, du 4 mmm suffirait pratiquement pour tout !) et que, d’autre part :
    • le polyéthylène basse densité est un produit basique de mauvaise qualité
    • le polypropylène, à peu près équivalent au polyester, flotte (par contre il est hydrophobe)
    • le PBO, hors de prix, est peu diffusé et réservé aux élites (ex : haubans des 60 pieds IMOCA)
    • les performances desTechnora, Spectra, Dyneema et Vectran ne nous sont pas d’une grande utilité, n’étant pas de purs régatiers !
  2. Reste donc essentiellement le polyester, d’où ces quelques suggestions …
    Utilisation Diamètre Un peu moins cher Un peu plus cher
    Amarres
    Lignes de mouillage
    Bouts de remorque
    10 mm Polyamide (nylon) en 3 torons Polyester en tresse carrée 8 fuseaux
    Safran
    Dérive
    6 mm A : Polyester
    G : Polyester 16 fuseaux
     
    Drisses
    Palan d’amure
    6-8 mm A : Polyester haute tenacité
    G : Polyester haute tenacité 16 fuseaux
    A : Dyneema
    G : Polyester 24 fuseaux “toucher coton”
    Ecoute de foc
    Ecoute de grand-voile
    10 mm A : Polyester haute tenacité
    G : Polyester haute tenacité 16 fuseaux
    A : Dyneema
    G : Polyester 24 fuseaux “toucher coton”
    Bouts de remorque et de récupération (homme à la mer) 6-8 mm Polypropylène 3 torons Polypropylène tressé 8 fuseaux haute tenacité
  3. Pour plus de précisions, consulter Internet :
    • Wikipédia pour le côté chimie en tapant le nom du matériau
    • les sites des fabricants pour l’ensemble des gammes ou le détail de chaque produit.
    • Pour les « purs et durs » de la marine en bois ou la décoration, on trouve encore, des fibres anciennes comme le chanvre, le coton ou le lin, mais je l’avoue humblement : je n’ai pas trop cherché …
  4. Le prix varie, en fonction des bouts, entre 0,50 et 2,50 euros le mètre environ
  5. Dernier conseil, pensez aux sangles : de plus en plus utilisées, elles peuvent avantageusement remplacer certains bouts.
    1. Boulite

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