Chant du bon dormir

Paroles recueillies dans CAP HORN livre de Henry-Jacques (1947)

Sur nos paillasses fatiguées, –
Dors bien, mousse; dormez, matelots.
Sur nos paillasses fatiguées
Notre somme est bercé par l’eau.
L’heure est aux belles naviguées, –
Dors bien, mousse; dormez, matelots.
L’heure est aux belles naviguées,
Sur le voilier des grands repos.
La laine et le varech sont doux aux membres rudes.
Le vent qui nous endort est un fameux drapier.
Notre sommeil de mâle aime la solitude
Sans belle à notre cou ni bouillotte à nos pieds.

Roulis roule, roulis des houles,
Tangage et roulis tangue et roule
Au fil de l’eau.
A la berceuse de la houle
Dors bien, mousse; dormez, matelots.

Le feu mobile des verrines, –
Dors bien, mousse; dormez, matelots.
Le feu mobile des verrines
A l’air de bénir nos repos.
Le sommeil couvre nos poitrines,
Dors bien, mousse; dorme:, matelots.
Le sommeil couvre nos poitrines, –
De silence et de rêves chauds.
Le vent dans les agrès suspend sa plainte étrange
Et siffle longuement comme aux bois de chez nous.
La voile bat en haut comme des ailes d’ange
Pour endormir les gars qu’elle évente tout doux.

Roulis roule, roulis des houles,
Tangage et roulis tangue et roule
Au fil de l’eau.
A la berceuse de la houle
Dors bien, mousse; dormez, matelots.

Toi qui as travaillé la toile, –
Dors bien, mousse; dormez, matelots.
Toi qui as travaillé la toile
Pas de toile douce à ta peau.
Veilleur de nuit, guetteur d’étoile,
Dors bien, mousse, dormez, matelots.
Veilleur de nuit, guetteur d’étoile, –
La nuit s’arrête à tes yeux clos.
La terre de certains a bordé les couvertes,
Un délire d’amour les soulève et les mord.
Mais le meilleur sommeil que le rêve déserte
Est celui qui nous mêle un instant à la mort.

Roulis roule, roulis des houles,
Tangage et roulis tangue et roule
Au fil de l’eau.
A la berceuse de la houle
Dors bien, mousse; dormez, matelots.

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