Premier chant du sud

Paroles recueillies dans CAP HORN livre de Henry-Jacques (1947)

Sous les trois focs dont l’écoute
Le bridait comme un coursier
Le beaupré forait la route
Avec son bâton d’acier.
Le trois-mâts aux voiles rondes
Où chantaient les alizés
Touchait à la fois deux mondes
Par l’arrière et par l’avant.
Pendant qu’au pied de misaine
Le Sud déjà nous glaçait,
La brigantine était pleine
D’un air chaud soufflé du Nord.
On avait contre la brise
Serré les deux cacatois,
Comme un arbre de la terre
Se découronnaient nos mâts.
Déjà, sur nos mains hâlées,
Le sel devenait plus froid,
La forte odeur de marée
Changeait d’arôme et de goût
Dans le poste d’équipage
Mes copains, les bâbordais,
Huilaient déjà leurs cirages
Et leurs suroîts d’ouragan.
La Croix-du-Sud allumée
Au-devant d’un soir de plomb
Hissait en fin de journée
Quatre feux de position.
Avec sa lanterne pâle
Pendante sur l’horizon,
Elle ouvrait la route australe
A l’enseigne du Cap Horn.
Une première risée
Écumée au ras de l’eau
Faisait crier la voilure
Et tournoyer les oiseaux
Mais de la barre aux Tropiques
Notre route était restée
Ondulante entre deux lames
Comme la queue du serpent.
Elle nous liait encore
Au Capricorne effacé,
Poussant les chemins du Nord
Vers le Sud qui nous cherchait.
Et, rayonnante, la poupe,
Pour nous sauver de l’hiver,
Portait sur sa large croupe
Le soleil du Méridien.

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