Le corsaire le grand coureur
est un navire de malheur
quand il s’en va en croisière
pour aller chasser l’anglais
le vent, la mer et la guerre
tournent contre le français
Allons les gars gai, gai
Allons les gars gaiement
Il est parti de Lorient
avec belle mer et bon vent
il cinglait bâbord amure
naviguant comme un poisson
un grain tombe sur sa mâture
v’la le corsaire en poton
Il nous fallut remâter
et bougrement relinguer
tandis que l’ouvrage avance
on signale par tribord
un navire d’apparence
à mantelets de sabords
C’était un anglais vraiment
à double rangée de dents
un marchand de mort subite
mais le français n’a pas peur
au lieu de brasser en fuite
nous le rangeons à l’honneur
Les boulets pleuvent sur nous
nous lui rendons coups pour coups
pendant que la barbe fume
à nos braves matelots
dans un gros bouchon de brume
il nous échappe aussitôt
Nos prises au bout de six mois
ont pu se monter à trois
un navir’ plein de patates
plus qu’a moitié chaviré
un deuxième de savates
et le dernier de fumier
Pour nous refaire des combats
nous avions à nos repas
des gourgades et du lard rance
du vinaigre au lieu de vin
du biscuit pourri d’avance
et du camphre le matin
Pour finir ce triste sort
nous venons périr au port
dans cette affreuse misère
quand chacun s’est vu perdu
chacun selon sa maniére
s’est sauvé comme il a pu
Le cap’tain et son second
s’ont sauvé sur un canon
le maître sur la grande ancre
le commis dans son bidon
ah le sacré vilain cancre
le voleur de ration
Il eut fallu voir le coq
et sa cuisine et son croc
il s’est mis dans la chaudière
comme un vilain pot au feu
il s’est mis vent arrière
atterrit au feu de dieu
De notre horrible malheur
Seul le calfat est l’auteur
en tombant de la grand’hune
dessus le gaillard d’avant
a r’bondi dans la cambuse
a crevé le bâtiment
Si l’histoire du grand coureur
à su vous toucher le coeur
ayez donc belles manières
et payez-nous largement
du vin, du rack, de la bière
et nous serons tous contents.
Allons les gars gai, gai
Allons les gars gaiement