Chant du pilotin

Paroles recueillies dans CAP HORN livre de Henry-Jacques (1947)

Le corps entré dans la barre,
La main pleine de rayons,
Je gouvernais vers le Sud
Qui fermait notre horizon.

Docile à mon coup de pouce
Le trois-mâts se balançait
Sur une invisible route
Que moi seul je connaissais.

Mon étoile était un chiffre
Signe épars parmi des signes.
Un seul degré sur la ligne
Faisait plus claire la nuit.

La rose des vents ouverte
Comme une fleur de la mer
Vers trois cent soixante portes
Éclatait sur le compas.

Sud-vingt-Ouest, rose marine,
J’aspirais ton dernier nom,
Le front dons la brigantine
Et les pieds dans le goudron.

Maître des vents et des lames
Mes yeux dans la nuit veillaient,
Par moi seul avaient une âme
Trois mille tonnes gréées.

Le vent dans les balancines
Donnait sa langue à la nuit.
L’eau, bousculée dans sa fuite,
Allait voir d’où nous venions.

Tout fuyait, l’heure et l’espace,
Dans la même ombre perdus.
Seul, notre voilier tenace
Savait la mer parcourue.

Quelqu’un vint prendre ma place
Jetant le signe en ses yeux.
Sa main ramassa la barre
Toute chaude de mes mains…

Sud-vingt-Ouest. La route est bonne!

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