Paroles recueillies dans CAP HORN livre de Henry-Jacques (1947)
Quand on hisse au son des gueules,
Quand on vire, ohé, tiens bon!
Notre muse pas bégueule
Se « suive » d’un boujaron.
Sur le rythme d’un tangage
Et sur n’importe quel air
Elle crache ses images
Comme on crache dans la mer.
Dans sa robe qui fasie
Elle taille à grands morceaux.
Ça fait de la poésie
Et ça nous fouette la peau.
Belle fille d’aventure
Que lave et poudre l’embrun,
Elle est, comme la nature,
Toute nue en ses refrains.
La garce à voix de sirène
En sait de toutes les couleurs
Le plus dur vient de nos peines,
Le plus beau vient de son cœur.
Les gars crochés à l’ouvrage,
Le nez dans le vent et l’eau,
Ont renforcé leur courage
En chantant le pèr’ Lancelot.
Doublant le Cap Horn en maître
Avec leurs ailes d’oiseaux
Tous les clippers du salpêtre
Iront à Valparaiso.
Entends, Jean-François de Nantes,
La romance à triple voix
Du trois-mâts barque qui chante
Sur l’acier et sur le bois.
Chansons aux rimes salées,
Bonnes garces sans façons,
Je vous aime déhalées
Dans la gueule des garçons.
La fringale, la froidure,
La soif, les nuits sans repos,
Vous nous les rendez moins dures,
Pipe au bec des matelots.
Survivantes du naufrage
Où sont morts les grands voiliers,
Chansons, filles d’un autre âge,
Par les hommes oubliées,
Aux accostés dans la rade,
Aux sacs à terre, aux vivants,
A tous ces anciens nomades
Privés de mer et de vent,
Comme la houle fait boire
Les vieux pontons amarrés,
Chantez la dernière histoire
Nous n irons plus sur mer, les huniers sont serrés!