Nelly

Paroles de Mac Orlan

Au Critérium-Bar, après la débine
Tu f’sais la barmaid pour les Norvégiens,
Les gars des cargos t’applaient leur frangine,
Tu gagnais dix bobs en un tournemain.
Après le bisness sur le quai des brumes
Et la rue Grand-Pont, c’était l’Chabanais.
Nelly le passé ce soir se ralllume
Afin que je puiss’ distinguer tes traits.

Je venais t’chercher dans la lumière blême
D’un sal’petit jour sans sèch’s et sans blé.
On rentrait s’coucher le ventre en carême
Dans not’ chambr’ meublé, rue des Cordeliers.
Tu pouvait dormir en t’fichant d’l’ardoise,
Ta bouche entr’ouvert souriait au plaisir.
La vie n’est très bell que pour les bourgeoises,
Le meilleur du lot, c’est pour le souv’nir.

Quand j’me suis taillé de Rouen et d’ses fêtes
Pour jouer au griv’ton, dans l’camp d’Mourmelon,
Je t’ai dit adieu en tournant la tête
Et tu m’as donné ta bénédiction.
On a pris pour ça la der des dernières
Cuit’s au Bar Nielsen, rue d’la Vicomté.
Puis d’fil en aiguill’, j’partis pour la guerre
Un’ fleur au fusil, des ampoul’s aux pieds.

J’ai dans la mémoire, un’ chanson qui bouge
Le nom des pat’lins où j’ai dérouillé :
Carency, Ablain, le Cabaret Rouge,
La rout’ de Bapaume et l’ravin d’Souchez.
J’ai bien fait d’éteindr’ ma lantern’ magique,
Car j’ai vit’ compris que j’barbais les gens :
C’est pourquoi, Nelly, je r’mets l’ancien disque
D’avant mon départ pour le régiment.

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