Complainte
Mon dieu quelle triste vie que la vie du matelot
il mange que des gourganes il ne boit que de l’eau
il couche sur la dure, sur un vieux lit de camp,
il fait triste figure quand il n’a plus d’argent. (bis)
Adieu cher camarade adieu faut se quitter,
à bord de la Bretagne nous allons embarquer;
passant par la coupée pour nous faire effacer
à l’officier de marine il faudra se présenter.
On se fait mettre en ligne sur le gaillard avant;
prenez du bourbillage astiquez les cabestans,
un jeune quartier-maître la garcette à la main
aux ordres d’un second maitre nous astique les reins.
Dimanche et jours de fête ils nous font travailler
comme les bêtes de somme qui sont chez nos fermiers,
une jeune quartier-maître nous dit « dépêchez-vous »
les forçats de Cayenne sont plus heureux que nous.
Patrie, pauvre patrie, qu’as-tu fait de tes enfants
marin, c’est la misère marine, c’est trop souffrir
j’ai encore un petit frère, qui dort dans son berceau
je t’en supplie ma mère n’en fais pas un matelot.
Et Si je me marie et que j’ai des enfants,
je leur casserai une patte avant qu’ils ne soient grands,
je ferai mon possible pour leur gagner du pain
le restant de ma vie pour qu’ils ne soient pas marins.
Et vous, jeunes fillettes qui avez des amants
sur ces navires de guerre ces grands bagnes flottants,
restez toujours fidèles conservez votre honneur
à ces marins modèles qui sont dans le malheur
Et si j’ai le bonheur un jour d’étre congédié,
dans les journaux de France je ferai publier:
« prenez bien garde mes frères de vous faire embarquer
sur un navire de guerre où l’on vous fait crever ».