Paroles recueillies dans CAP HORN livre de Henry-Jacques (1947)
Que seras-tu, morceau de toile,
Flèche, brigantine ou grand’ voile?
Fille du chanvre et du lin roux,
Cousue à gros doigts de chez nous
Comme chemise de pucelle,
Les mâts t’enverguent à leur cou.
Chantons l’aiguille et la paumelle.
Que seras-tu, morceau de toile,
Flèche, brigantine ou grand’ voile?
Délice des bateaux à vent,
Ventre ou téton, mais bien vivant,
Portant la brise mieux qu’une aile,
Pousse-nous toujours plus avant.
Chantons l’aiguille et la paumelle.
Que seras-tu, morceau de toile,
Flèche, brigantine ou grand’ voile?
Ce sont nos mains qui raidiront
Ce téton blanc, ce ventre rond,
Larguez votre jupon, la belle,
Et vingt-quatre hommes vous suivront.
Chantons l’aiguille et la paumelle.
Que seras-tu, morceau de toile,
Flèche, brigantine ou grand’voile?
Tu seras sous ces noms jolis
Linge de barque à rudes plis
Et draps propres niais sans dentelle
Où la brise fera son lit.
Chantons l’aiguille et la paumelle.
Que seras-tu, morceau de toile,
Flèche, brigantine ou grand’voîle?
Tu recevras des alizés
Puissance, harmonie ou baisers.
Le soleil te rendra plus belle
En caressant tes seins bronzés.
Chantons l’aiguille et la paumelle.
Que seras-tu, morceau de toile.
Flèche, brigantine ou grand’voile?
Parfois d’un gars qu’on jette au fond
Lesté de prière et de plomb
Seras la chemise éternelle
Cousue à bloc jusqu’au menton.
Chantons l’aiguille et la paumelle.
Que seras-tu, morceau de toile,
Flèche, brigantine ou grand’voile?
Outre des vents, buveuse d’air,
Voile au ventre toujours ouvert,
Jusqu’au port reste-nous fidèle
Malgré les périls de la mer.
Chantons l’aiguille et la paumelle.